[Focus] Vespa orientalis, une nouvelle menace chez les frelons ?

Par Nicolas Rousseau

Installé depuis 2021 dans le sud de la France, le frelon oriental pourrait, comme le frelon à pattes jaunes, menacer la biodiversité et la filière apicole. Gros plan sur cette espèce sous haute surveillance.

Outre le frelon à pattes jaunes, une autre espèce constitue désormais une menace potentielle pour la biodiversité et la filière apicole. Il s’agit du frelon oriental, Vespa orientalis, de la même taille que le frelon européen et, comme le frelon à pattes jaunes, prédateur d’abeilles. “On distingue chez les frelons ceux prédateurs de mouches, dont le frelon européen, Vespa Crabro, et les prédateurs d’abeilles, dont le frelon à pattes jaunes, Vespa nigrithorax, et le frelon oriental, déjà bien connu des apiculteurs en Asie. Ces deux espèces peuvent être à l’origine de véritables carnages dans les ruchers”, précise Christian Boivin, inspecteur phytosanitaire au sein de FREDON Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Un territoire en expansion

Jusqu’alors absent du territoire métropolitain, sa présence a été détectée fin 2021 dans les Bouches-du-Rhône. Il a depuis été signalé dans le Var et les Alpes-Maritimes. “La détection des premiers individus butinant des fleurs de lierre fin septembre 2021 à Marseille avait permis la destruction de deux nids. Un réseau de surveillance a alors été mis en place par le GDSA13 (Groupement de Défense Sanitaire Apicole des Bouches du Rhône)”, indique-t-on au sein de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). En septembre 2022, des ouvrières ont été observées en prédation sur deux ruchers de Plan de Cuques, au nord de Marseille et à quelques kilomètres plus à l’ouest.

Facilement reconnaissable

Le frelon oriental est entièrement roux à l’exception de la face antérieure de la tête et des 3e et 4e segments de l’abdomen qui sont jaunes, ce qui permet de le reconnaître facilement. Il est de la même taille que le frelon européen, soit 2,5 cm environ pour les ouvrières et les mâles et 3,5 cm pour les reines. Tout comme les autres frelons, son cycle de vie est annuel. La jeune reine hiverne à l’abri des intempéries. Elle se réveille au printemps, recherche des liquides sucrés pour se nourrir, puis un emplacement où fonder son nid. Elle élèvera ses premières larves en les nourrissant avec des proies (abeilles, guêpes et mouches).

Des nids parfois enterrés

Les colonies sont de taille similaire à celles de Vespa crabro, soit environ 1 000 individus à leur apogée. Elles sont capables d’établir leur nid partout, y compris de l’enterrer. “C’est là un véritable danger. Nous étions jusqu’alors habitués aux frelons européens, qui ont tendance à établir leurs nids dans des arbres creux, à distance des habitations humaines. Quant au frelon à pattes jaunes, il est susceptible d’accrocher son nid un peu partout et a tendance à l’installer en hauteur. Il ne craint pas la proximité humaine, ce qui en fait un frelon plus urbain que Vespa Crabro. Il peut tout à la fois s’installer dans un climatiseur ou sous un toit. Le frelon oriental peut indifféremment installer son nid dans les arbres creux, comme notre frelon européen, autant que l’accrocher un peu à tout, comme le frelon à pattes jaunes, y compris à l’intérieur des bâtiments. Surtout, il est capable de l’enterrer, comme certaines de nos guêpes”, alerte encore Christian Boivin.

Menace pour les abeilles ?

Les observations réalisées par l’INPN au rucher semblent confirmer que le frelon oriental, ce proche cousin du frelon d’Europe, aurait un mode de prédation similaire. “Il ne réalise pas de vol stationnaire constant, dos à la ruche, comme Vespa velutina, méthode qui stresse considérablement les abeilles. Tout comme pour Vespa crabro, nous n’avons observé que des frelons volants entre les ruches, attrapant des abeilles posées sur la planche d’envol, et ne s’attardant pas si aucune abeille ne se montre”, décrit-on au sein de l’INPN. Il est probable que ce frelon ne chasse pas non plus les abeilles de manière préférentielle. Il n’occasionnerait des dégâts que lorsqu’il attaque en masse les ruchers, généralement à la fin de son cycle de vie, “probablement par manque d’autres sources abondantes de proies”, indique-t-on à l’INPN.

Espèce envahissante

Depuis 2023, l’espèce est classée exotique envahissante. Néanmoins, son impact sur l’environnement ou les activités humaines restent encore difficiles à mesurer, tout comme son origine. Pour l’INPN, reste à évaluer ses potentialités d’expansion, sous scénario de réchauffement climatique notamment, afin d’évaluer les risques qu’elle représente. Agir tôt contre l’invasion constitue toutefois une nécessité, insiste l’Agence française pour la biodiversité, pour éviter de le voir se répandre rapidement à l’ensemble du territoire.

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