[Focus] L’inquiétante progression des fourmis invasives
Publié le 1 octobre 2024, par Nicolas Rousseau
Tapinoma magnum, Wasmannia auropunctata : ces deux espèces de fourmis exotiques progressent en France métropolitaine. Leur présence constitue une menace pour la biodiversité et la lutte s’organise pour les éradiquer.
Deux espèces de fourmis exotiques élargissent actuellement leur aire de répartition sur le territoire métropolitain. Espèce d’origine méditerranéenne, Tapinoma magnum est désormais présente en Occitanie, du Tarn à la Touraine, de la Charente au Bas-Rhin. Son installation en France date du début des années 2000. La fourmi a été observée pour la première fois en 2004.
Vingt ans plus tard, elle semble avoir largement colonisé le territoire national. Mesurant trois millimètres environ, elle est capable de mordre. Particulièrement résistante, elle s’adapte à différentes températures. Sa capacité à survivre dans divers milieux montre une adaptabilité élevée, ce qui favorise sa progression au-delà des régions méditerranéennes. Son cycle de reproduction est rapide, d’où la formation de multiples colonies sur plusieurs hectares.
Supercolonies
Cette fourmi se distingue notamment par sa capacité à former des supercolonies, ce qui lui permet de s’étendre rapidement dans de nouveaux environnements. Son mode de vie diffère de celui des fourmis locales, dont les colonies s’attaquent mutuellement. Tapinoma magnum possède en effet plusieurs reines, rendant son élimination complexe. Tant dans les jardins que dans les maisons, « sa présence pose de nombreux problèmes », souligne Luc Gomel, ingénieur agronome et conservateur du patrimoine scientifique et naturel, spécialiste des fourmis « pénibles ». La fourmi exotique est à l’origine de la destruction de pans de murs. Capable de couper les fruits des fruits de leur tige, sa morsure est particulièrement douloureuse. Pour Luc Gomel, « les prestataires 3D vont être confrontés de manière croissante aux problématiques causées par l’expansion de Tapinoma magnum ».
Interconnexion
La morsure de Wasmania auropunctata, aussi appelée fourmi électrique, est elle aussi très douloureuse. Classée espèce exotique envahissante (EEE) préoccupante pour l’Union européenne, cette fourmi est dotée d’un dard et doit son nom à la vive sensation de brûlure et aux démangeaisons qui suivent sa piqûre. Jaune orangé et mesurant environ 1,5 mm, elle est originaire d’Amérique centrale et du Sud. Sa présence a été détectée pour la première fois en France, à Toulon (Var), en 2021. La fourmi électrique vit en colonie de plusieurs millions d’individus. « Plusieurs milliers de reines peuvent cohabiter au sein d’une même colonie », précise Luc Gomel. Cette colonie va donc occuper un territoire plus grand que les fourmis locales.
Les nids peuvent être interconnectés, sans agressivité entre les millions d’ouvrières. Ils sont généralement installés dans le sol ou dans des cavités d’arbres ou artificielles. Wasmannia auropunctata peut facilement déplacer sa colonie en cas de perturbation et être facilement transportée avec des plantes ou des déchets verts. Opportuniste et polyphage, elle consomme notamment des invertébrés, ainsi que les graines et miellats recueillis sur des pucerons ou des cochenilles. « Plutôt habituée aux climats tropicaux et humides, Wasmannia auropunctata semble s’être acclimatée aux régions méditerranéennes, malgré des hivers plus rigoureux et des étés plus secs », constate Luc Gomel.
Plan d’éradication
La menace est donc sérieuse. Pourtant, la définition d’un plan d’éradication a été tardive, notamment pour des questions de financement. Avec retard, les premières mesures d’élimination devaient être entreprises à la fin de l’été et se poursuivre à partir d’avril ou mai 2025. À ce stade, juge Luc Gomel, « l’éradication semble encore envisageable. Cela dit, il ne faut pas attendre davantage. A défaut, l’expansion risquerait de devenir incontrôlable. »
Une solution développée en Australie sera mise en œuvre pour tenter de venir à bout de l’envahisseur. « Il s’agit d’un appât solide spécifique, composé majoritairement de lipides et de protéines. Cet appât renferme un toxique, l’Hydramethylnon, commercialisé initialement sous le nom Amdro, constitue la seule solution éprouvée contre la fourmi électrique. » Il est doté d’un effet retard primordial. En effet, l’utilisation d’insecticides à action de contact en surface de la zone infestée ne serait pas suffisamment efficace. « Il est impératif de parvenir à éliminer les reines. Pour ce faire, il est nécessaire que les récolteuses ramènent l’appât au sein du nid et par l’effet retard contamine l’ensemble de la colonie », établit Luc Gomel. En somme, adapter la solution au problème.
Retrouvez notre dossier consacré à la fourmi électrique dans N&Pi n° 136, daté août-septembre 2024.